Autour du vide : donner à voir le manque

Exposition à Paris
Culture, Vie étudiante
Les étudiants de master 2 LLCER études anglophones relatent leur expédition artistique à Paris, sous la tutelle de Sébastien Scarpa, dans le cadre de leur cours portant sur la représentation du vide et des espaces lacunaires dans l’art.
"Le 12 décembre 2022, grâce au soutien de l’Université Grenoble Alpes, nous avons eu la chance de nous rendre à Paris afin d’y découvrir deux expositions temporaires : l'une dédiée à Henry Füssli et l'autre à Sam Szafran. Ceci rentrait dans le cadre de nos cours de Master LLCER (Études anglophones), portant sur la représentation du vide et des espaces lacunaires dans l’art, avec Monsieur Sébastien Scarpa.
C’était une opportunité unique, d’autant plus que les œuvres de Füssli sont rarement exposées en France. Il a été particulièrement enrichissant pour nous d’observer de nos propres yeux des œuvres que nous étudiions en cours depuis quelques années déjà.
Les étudiants ayant participé à ce déplacement pédagogique étaient Laury Barbier, Aude Leleu, Lauren Fabrizio et Léo Rolland.

Musée Jacquemart-André, œuvres d’Henry Füssli

La première partie de la journée fut consacrée à l’exposition des œuvres d’Henry Füssli au musée Jacquemart-André. Il est important de souligner la variété des thématiques abordées par l’artiste, ce qui le rend d’autant plus fascinant. Füssli portait notamment un grand intérêt pour le théâtre et tirait ses inspirations de célèbres dramaturges tels que Shakespeare, ou Marlowe par exemple.

Cependant, les sources de son inspiration sont diverses puisqu’il s’est aussi souvent basé sur les mythes anciens et la mythologie grecque et romaine pour créer ses tableaux. À la vue de ces derniers, le visiteur peut apprécier (ou être frustré) par l’usage fréquent de la coupure et du caractère ambigu des regards. On remarque aussi un penchant pour le fantastique et le surnaturel à travers la représentation de créatures monstrueuses ou de sorcières, par exemple. Les zones d’obscurité, savamment utilisées par l’artiste, attirent le regard du spectateur et font appel à son imagination car ce qu’elles signifient est peut-être inexprimable et infigurable…

Musée de l’Orangerie, œuvres de Sam Szafran

La deuxième visite a eu lieu au musée de l’Orangerie et l’exposition concernait principalement Sam Szafran (1934-2019). Certaines de ses œuvres furent exposées suite à la disparition d’un de ses promoteurs (Claude Bernard) en novembre 2022. Cet artiste d’origine polonaise mêlait l’aquarelle et le pastel dans une production aussi prolifique qu’impressionnante. L’observation de ses œuvres nous a permis de remarquer à quel point l’artiste joue sur la perspective et les déformations de la vision et de l’espace. Ses sujets sont assez singuliers et surprenants : ateliers, escaliers, feuillages… À travers des explorations répétées de ses environnements quotidiens, Szafran s'interroge sur ce que signifie « habiter l'espace ».

Il est considéré comme un maître du pastel et de l’aquarelle ; un motif de lignes parallèles répétées dans nombre de ses œuvres révèle son désir de représenter ses outils de travail – ses pastels – dans les tableaux eux-mêmes : une sorte de méta-geste pour aborder la position de l'artiste en tant que « créateur des mondes ».
Les œuvres de Szafran, qui stimulent les capacités d’interprétation du spectateur, s’inscrivent bien dans la continuité et la thématique principale de nos cours d’art. Mais notre méconnaissance commune de l'œuvre de Szafran lors de cette sortie nous a permis d'analyser ses pastels d'un regard neuf et de trouver des résonances significatives avec les clairs-obscurs de Füssli. L’usage particulier du vide (ou, ironiquement, l'absence de vide) en est un exemple frappant. Füssli semble souvent dépeindre « l'absence » comme menaçante et symboliquement stimulante : un vide pour une projection de l'inconscient. Szafran, quant à lui, remplit souvent sa toile de manière compulsive par des détails maximalistes ou des perspectives démultipliées, comme s'il cherchait obsessionnellement à combler le vide. Et pourtant, cela ne fait que rendre « l'absence » dans son travail plus frappante.

Conclusion

Nous encourageons vivement les étudiants qui le pourront à se rendre à de telles expositions, éphémères ou non. Elles nous donnent une autre perspective, nous révélant des détails que nous ne percevrions pas forcément derrière un écran. Enfin, elles permettent un degré supérieur de rapprochement avec l’œuvre et son créateur, sans compter une autre manière de s’ouvrir à la culture et la garantie de bons souvenirs. Une telle expérience est à ne pas rater pour un étudiant !

Article rédigé par Laury Barbier, Aude Leleu, Lauren Fabrizio et Léo Rolland.
Mis à jour le  28 mai 2024